Espagne–Israël : un bras de fer diplomatique inédit autour de Gaza

Publié le 8 septembre 2025 à 18:21

Madrid dénonce un « génocide » et impose un embargo sur les armes à Israël. Tel-Aviv fustige une « rhétorique haineuse et antisémite », plongeant les relations bilatérales dans une crise sans précédent.

Par @sahbymehalla

Espagne–Israël : un bras de fer diplomatique inédit autour de Gaza

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez assiste à une réunion avec le Premier ministre britannique Keir Starmer au 10 Downing Street, à Londres, le mercredi 3 septembre 2025. Toby Melville, Pool Photo via AP.

 

Les relations entre l’Espagne et Israël ont atteint un point de rupture rarement observé entre un État européen et Tel-Aviv depuis le début de la guerre à Gaza. Alors que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a parlé ouvertement de « génocide » et « extermination d’un peuple sans défense », Madrid a annoncé une série de mesures radicales pour marquer sa désapprobation. Israël, de son côté, dénonce une « rhétorique haineuse et antisémite ».

Lors d’une conférence de presse, Pedro Sánchez a accusé Israël de mener « l’extermination d’un peuple sans défense » à Gaza, évoquant les bombardements contre des hôpitaux et l’utilisation de la famine comme arme de guerre. Le chef du gouvernement espagnol est allé plus loin que la plupart de ses homologues européens en qualifiant la situation de « génocide ».

Dans la foulée de ces déclarations, le gouvernement espagnol a annoncé une série de mesures fortes. Madrid a décrété un embargo total sur les ventes d’armes à Israël et interdit l’utilisation de ses ports et de son espace aérien aux navires et avions transportant des armes à destination de l’État hébreu. 

Le pays a également décidé de refuser l’entrée sur son territoire à toute personne impliquée dans ce qu’il qualifie de « génocide », de réduire les droits consulaires accordés aux habitants des colonies israéliennes et d’augmenter substantiellement son aide humanitaire à Gaza, notamment via l’UNRWA, selon Reuters

Ces décisions placent l’Espagne à la pointe de l’opposition européenne à la politique israélienne, bien au-delà des positions plus nuancées adoptées par Paris ou Berlin.

La réponse israélienne ne s’est pas fait attendre. Le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar a accusé Sánchez d’utiliser une « rhétorique empreinte de haine et antisémite » et de vouloir détourner l’attention de problèmes internes. Israël a aussi interdit d’entrée deux ministres espagnols, la vice-première ministre Yolanda Díaz et la ministre de la Jeunesse Sira Rego.

Le ministère espagnol des Affaires étrangères a rejeté fermement les accusations d’antisémitisme, qualifiées de « fausses et calomnieuses ». Madrid insiste que ses décisions reposent sur « le droit international et la défense des droits humains ».

Dans un geste hautement symbolique, l’Espagne a rappelé son ambassadrice à Tel-Aviv, après que l’ambassadrice israélienne à Madrid avait été rappelée quelques jours plus tôt.

Comparaison avec la France

Alors que Paris a multiplié les appels à un cessez-le-feu et réaffirmé son soutien à la solution à deux États, l’Espagne franchit un cap inédit en Europe. Contrairement à la diplomatie française, marquée par la prudence et la recherche de dialogue, Madrid s’impose comme le premier État membre de l’UE à appliquer des mesures coercitives directes contre Israël.

Ce bras de fer illustre l’isolement croissant d’Israël sur la scène européenne, mais aussi la fracture au sein de l’UE entre les pays qui privilégient la diplomatie traditionnelle et ceux qui n’hésitent plus à employer un langage accusatoire et des sanctions concrètes.

Pour l’heure, aucune désescalade n’est en vue. La crise entre Madrid et Tel-Aviv risque de s’envenimer encore, dans un contexte où l’opinion publique espagnole, majoritairement favorable à la cause palestinienne, pousse son gouvernement à maintenir la pression.

 

ÉCRIT PAR : SAHBY MEHALLA 

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