L’odyssée des adolescents algériens partis d’Alger en bateau volé et arrivés à Ibiza secoue l’opinion et relance le débat sur la harga et l’avenir de la jeunesse.
Par @radiosiskofm
Sept adolescents algériens, âgés de 14 à 17 ans, ont stupéfié les autorités espagnoles en débarquant début septembre 2025 sur l’île d’Ibiza à bord d’un bateau de plaisance volé. L’affaire, inédite par son audace et son retentissement médiatique, jette une lumière crue sur le désespoir et l’imaginaire d’une jeunesse algérienne en quête d’ailleurs.
Partis de Tamentfoust, à l’est d’Alger, les adolescents ont subtilisé un Geisa Naval Open 550 avant de mettre cap sur les Baléares. Après neuf heures de navigation et près de 300 kilomètres parcourus, ils ont accosté sur la célèbre plage d’en Bossa, selon Le Monde. L’histoire a pris une tournure virale quand les adolescents eux-mêmes ont diffusé des vidéos en direct sur TikTok et Instagram, transformant leur périple en feuilleton suivi par des milliers d’internautes.
« On l’a fait pour rigoler », aurait déclaré l’un d’eux à son arrivée, minimisant les risques encourus. Une désinvolture qui interroge autant qu’elle inquiète.
Si certains observateurs réduisent l’événement à une bravade adolescente, d’autres y voient le reflet d’un malaise plus profond. L’historien Hosni Kitouni évoque « une crise sociale, culturelle et symbolique » issue d’années de désenchantement.
Pour la sociologue Zoubida Berrahou, l’acte des adolescents s’inscrit aussi dans un imaginaire global nourri par Netflix et TikTok : « Ces jeunes se sont projetés dans un remake d’Outer Banks plutôt que dans un projet de vie réfléchi ».
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a dénoncé une « faillite du système » incapable de retenir sa jeunesse. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), de son côté, a réclamé un débat parlementaire sur les causes structurelles de l’émigration clandestine.
À l’inverse, la revue El Djeich, publication officielle de l’armée, a dénoncé une « instrumentalisation » d’un fait divers par des médias étrangers désireux de ternir l’image de l’Algérie.
La harga, un phénomène récurrent
L’affaire s’inscrit dans une réalité plus large, celle de la harga, ces traversées clandestines de la Méditerranée par des harragas en quête d’avenir en Europe. La route algérienne vers l’Espagne est l’une des plus fréquentées, malgré les dangers mortels qu’elle comporte. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plusieurs milliers d’Algériens tentent chaque année la traversée, parfois au prix de leur vie.
Au-delà du fait divers, l’odyssée d’Ibiza révèle le fossé qui sépare une génération connectée, abreuvée d’images mondialisées, et une société en difficulté pour lui offrir des perspectives. « Pour ces jeunes, l’avenir est ailleurs, même au risque de leur vie », résume le sociologue Nacer Djabi.
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