Une décision historique qui bouleverse l’équilibre politique du pays
Par @lemanifestmedia
La Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, s’exprime lors d’une conférence de presse à Dacca, au Bangladesh, le 6 janvier 2014. Rajesh Kumar Singh / AP News
Dans un verdict à la fois fracassant et controversé, l’ancienne Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a été condamnée à mort in absentia par un tribunal spécial de Dacca. Elle est reconnue coupable de crimes contre l’humanité pour son rôle central dans la violente répression des manifestations étudiantes de 2024.
Cette décision sans précédent fait suite à plusieurs mois d’enquête sur les événements tragiques qui avaient secoué la capitale l’an dernier. Les juges ont retenu que l’ex-cheffe du gouvernement avait directement autorisé l’usage disproportionné de la force contre les manifestants, entraînant la mort de plus de 200 personnes, dont de nombreux étudiants non armés, ainsi que des centaines de blessés.
« Les preuves ont démontré que Sheikh Hasina a sciemment donné l’ordre d’intervenir par tous les moyens nécessaires. Cela constitue un crime contre son peuple. » — Extrait Live du jugement rendu par le Tribunal pour la Justice Populaire.
Hasina, aujourd’hui âgée de 78 ans, dirigeait le Bangladesh depuis plus de 15 ans avant d’être renversée par un mouvement social massif en août 2024. Réfugiée en exil, elle réside actuellement en Inde, qui n’a pas encore réagi à la demande d’extradition lancée par Dacca.
À l’origine de cette séquence politique explosive, un mouvement étudiant protestant contre la réforme des quotas dans la fonction publique, perçue comme discriminatoire. Très vite, les protestations se sont étendues à l’ensemble de la population, dénonçant la corruption, les abus de pouvoir et la militarisation croissante de l’appareil d’État.
Le 11 avril 2024, les forces spéciales sont intervenues dans le campus de l’université de Dacca. Des vidéos filmées par des étudiants montrent des hélicoptères survolant les dortoirs, des gaz lacrymogènes, et des tirs à balles réelles. Les Nations unies avaient à l’époque dénoncé un usage « totalement disproportionné de la force ».
Parmi les victimes, une figure emblématique, Mehedi Hasan, 19 ans, battu à mort en pleine rue. Son visage est aujourd’hui devenu le symbole d’une jeunesse sacrifiée.
Le jugement, bien que salué par une partie de la population, suscite aussi de vives critiques. Plusieurs ONG, dont Amnesty International, mettent en doute l’impartialité du tribunal, qui aurait été mis en place par la nouvelle coalition au pouvoir dans un climat de revanche politique.
L’organisation Human Rights Watch a ainsi appelé à une suspension de la sentence en appel, déclarant : « La justice ne peut pas devenir l’arme de la vengeance. Les victimes ont droit à la vérité, mais également à un processus équitable. »
De son côté, Hasina a réagi par communiqué depuis l’exil, dénonçant un « simulacre de procès politique orchestré pour effacer son héritage ».
Ce verdict historique pourrait transformer durablement l’architecture politique du Bangladesh, mais aussi peser sur les relations diplomatiques en Asie du Sud. Le gouvernement a déjà officiellement adressé une requête d’extradition à New Delhi, un geste qui risque de crisper les relations avec l’Inde.
Par ailleurs, Washington et Bruxelles ont exprimé leur préoccupation face à la polarisation croissante du pays. Un diplomate européen a confié sous anonymat : « On assiste à une dynamique dangereuse. Si les institutions sont perçues comme instrumentalisées, cela peut alimenter un nouveau cycle de violence. »
La condamnation à mort de Sheikh Hasina marque un tournant décisif dans l’histoire contemporaine du Bangladesh. Pour les jeunes générations, c’est peut-être la fin d’une ère — celle d’un pouvoir incontesté devenu, selon eux, autoritaire. Mais pour d’autres, cette sentence ouvre une période d’incertitude et de tensions potentielles.
Le pays, encore sous couvre-feu partiel dans plusieurs villes, se trouve à la croisée des chemins. Entre justice et revanche, entre réforme et chaos, l’avenir du Bangladesh s’écrit désormais à l’encre indélébile de ses douleurs passées.
ÉCRIT PAR : LA RÉDACTION
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