Human Rights Watch a rejeté les dons promis par plusieurs humoristes ayant participé au festival d’humour de Riyad, dénonçant une opération d’image du régime saoudien. L’ONG rappelle que de nombreux militants restent emprisonnés.
Par @lemanifestmedia

Aziz Ansari. Photo : Gareth Cattermole/Getty Images pour IMDb
L’ONG internationale a décliné les promesses de dons faites par plusieurs humoristes ayant participé au festival d’humour de Riyad, estimant qu’accepter ces fonds nuirait à son indépendance et reviendrait à cautionner une opération de communication du régime saoudien.
Ce qui devait être une célébration internationale du rire s’est transformé en polémique majeure. Après leur participation au Riyadh Comedy Festival, plusieurs humoristes, dont Aziz Ansari et Jessica Kirson, ont annoncé vouloir reverser une partie de leur cachet à des organisations de défense des droits humains — parmi lesquelles Human Rights Watch (HRW). Mais l’ONG a catégoriquement refusé ces dons, dénonçant une tentative de « racheter » une image ternie par la complaisance envers le régime saoudien.
« Nous ne pouvons pas accepter d’argent provenant d’un événement organisé sous le parrainage du gouvernement d’Arabie saoudite », a déclaré Arvind Ganesan, directeur de la division Business et Droits Humains de HRW, dans un entretien à Variety.
Le festival d’humour de Riyad, organisé dans le cadre du programme “Vision 2030” du prince héritier Mohammed ben Salmane, avait pour objectif affiché de « promouvoir l’ouverture culturelle » du royaume. Sur scène, des figures du stand-up américain et britannique se sont succédé — de Dave Chappelle à Shane Gillis — dans un événement largement relayé sur les réseaux sociaux du ministère saoudien du divertissement.
Mais pour Human Rights Watch, il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une opération de soft power destinée à redorer l’image d’un État toujours accusé de répression politique et sociale. Dans un communiqué publié le 8 octobre, l’ONG a rappelé que des militantes féministes et des défenseurs des droits humains sont toujours emprisonnés dans le pays, citant notamment Waleed Abu al-Khair et Manahel al-Otaibi.
HRW : «Ce n’est pas une question d’argent, mais de principes»
Human Rights Watch affirme ne pas avoir demandé le boycott du festival, mais avait exhorté les artistes à profiter de leur tribune pour dénoncer les atteintes aux droits humains dans le pays. L’organisation se dit déçue que la majorité des humoristes soient restés silencieux sur la question.
«L’humour peut être une arme puissante contre la censure et l’oppression. Dommage qu’elle ait été désarmée à Riyad,» a commenté un responsable de HRW cité par The Guardian.
Face aux critiques, Aziz Ansari a maintenu qu’il souhaitait “transformer une expérience inconfortable en acte utile”, tandis que Jessica Kirson a exprimé des regrets, affirmant qu’elle n’avait “pas mesuré la portée politique” de sa participation.
La polémique illustre à quel point le divertissement devient un terrain de tension diplomatique. Alors que le royaume multiplie les partenariats culturels pour moderniser son image, la participation d’artistes internationaux soulève la question de la “responsabilité morale” face aux régimes autoritaires.
Comme le résume le Washington Post, « le rire est devenu un outil politique, et à Riyad, il n’a pas fait rire tout le monde ».
En déclinant ces dons, HRW entend réaffirmer sa neutralité et sa ligne éthique. Pour l’ONG, il ne s’agit pas d’une question d’argent, mais de cohérence, accepter ces fonds reviendrait à blanchir symboliquement les violations des droits humains en Arabie saoudite.
Ce refus, salué par plusieurs observateurs internationaux, devrait relancer le débat sur la frontière entre art, éthique et diplomatie culturelle. Et rappeler, peut-être, que certains rires coûtent plus cher qu’un cachet.
ÉCRIT PAR : LA RÉDACTION
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