« Chat Control » : l’Europe divisée sur un projet de surveillance des messageries

Publié le 20 septembre 2025 à 13:55

Le projet européen « Chat Control » veut scanner les conversations pour lutter contre les abus sur mineurs. Mais défenseurs des libertés et experts alertent : une menace sur le chiffrement et la vie privée. Le texte reste bloqué entre États membres.

Par @radiosiskofm

« Chat Control » : l’Europe divisée sur un projet de surveillance des messageries

Depuis deux ans, le projet de règlement européen sur la lutte contre les abus sexuels sur enfants en ligne, surnommé « Chat Control », enflamme les débats. Porté par la Commission européenne, le texte vise à obliger les plateformes numériques à détecter, signaler et supprimer les contenus pédopornographiques, y compris sur les messageries chiffrées. Mais ce dispositif suscite de vives inquiétudes sur la vie privée et le respect des libertés fondamentales.

Selon Le Monde, le projet a déjà connu un revers en juin 2024, lorsque le Conseil de l’UE n’a pas réussi à dégager une majorité pour valider une version controversée du règlement. Depuis, les discussions se poursuivent entre États membres, sans consensus clair.

Le texte, officiellement intitulé « Règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants », prévoit l’instauration de technologies dites de client-side scanning (CSS). Concrètement, les applications de messagerie devraient analyser automatiquement les photos, vidéos et messages avant même leur envoi, afin de détecter d’éventuels contenus illicites.

L’objectif affiché est clair, mieux protéger les mineurs et renforcer la coopération entre plateformes numériques et autorités judiciaires.

Les défenseurs des libertés numériques, les experts en cybersécurité et plusieurs autorités nationales, comme la CNIL, tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, la mise en place de ces technologies reviendrait à fragiliser le chiffrement de bout en bout, qui garantit aujourd’hui la confidentialité des conversations privées sur WhatsApp, Signal ou Telegram.

Un risque de faux positifs est également pointé, des contenus parfaitement légitimes pourraient être signalés comme suspects, exposant des citoyens innocents à des enquêtes injustifiées. À plus grande échelle, les associations craignent l’instauration d’une surveillance généralisée, contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La France fait partie des pays favorables au projet, estimant que la protection des mineurs doit primer. D’autres, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, insistent sur la nécessité de préserver le chiffrement et d’introduire des garde-fous stricts. Cette division explique l’absence d’avancée majeure depuis 2022.

Un nouveau vote au Conseil européen pourrait intervenir en octobre 2025, mais l’issue demeure incertaine. La question du CSS et de son articulation avec la protection de la vie privée reste le principal point de blocage.

Au-delà de la lutte contre les abus, le débat sur « Chat Control » cristallise une question de société, jusqu’où l’Union européenne peut-elle aller pour protéger les plus vulnérables sans sacrifier la confidentialité des communications privées ?

Si le règlement venait à être adopté en l’état, il pourrait transformer en profondeur la manière dont fonctionnent les applications de messagerie et créer un précédent en matière de surveillance numérique. Mais face aux critiques croissantes, il est probable que des compromis soient encore recherchés dans les prochains mois.

Le projet « Chat Control » illustre l’équilibre délicat entre sécurité et libertés individuelles. Son issue pourrait bien redessiner les contours du numérique en Europe pour les années à venir.

 

ÉCRIT PAR : RADIO SISKO FM 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.