Amazon soutient la start-up Fable pour recréer, à l’aide de l’intelligence artificielle, la fin disparue du chef-d’œuvre The Magnificent Ambersons (1942). Un projet fascinant mais controversé, qui interroge les limites de la créativité numérique et la mémoire du cinéma.
Par @sahbymehalla
Dolores Costello et Tim Holt dans The Magnificent Ambersons (1942). Photo : Donaldson Collection / Getty Images
Amazon s’invite dans l’histoire du cinéma avec un projet aussi audacieux que controversé, recréer la fin perdue du film The Magnificent Ambersons (1942) d’Orson Welles, grâce à l’intelligence artificielle. Ce projet, mené par la start-up Fable, spécialisée dans les vidéos générées par IA, promet de ressusciter l’un des plus grands mystères du septième art… mais soulève aussi des questions vertigineuses sur les limites de la technologie dans la création artistique.
Chef-d’œuvre mutilé du génie d’Hollywood, The Magnificent Ambersons est célèbre pour son destin tragique, après des projections tests jugées décevantes, le studio RKO Pictures avait coupé près de 43 minutes du montage original de Welles et détruit les négatifs, effaçant à jamais la fin qu’il avait imaginée. Depuis, critiques, historiens et cinéastes rêvent de retrouver ce final disparu, symbole de la lutte éternelle entre création et contrôle des studios.
Soutenue par Amazon, la société Fable Studio, fondée par Edward Saatchi et Pete Billington, s’est fait connaître pour sa plateforme Showrunner, un outil d’IA générative permettant de créer des épisodes vidéo à la demande. Aujourd’hui, elle ambitionne d’utiliser cette technologie pour reconstruire les scènes perdues du film à partir de photos d’archives, de notes manuscrites de Welles et d’enregistrements d’époque.
L’idée ? Réanimer le passé à l’aide de modèles d’IA capables de reproduire les visages et les voix des acteurs originaux, en mêlant tournage réel et synthèse numérique. Une approche hybride, entre hommage et expérimentation.
« Ce n’est pas une exploitation commerciale mais un acte d’amour envers le cinéma », affirme Edward Saatchi, cofondateur de Fable, cité par The Guardian.
L’annonce n’a pas tardé à faire réagir. L’estate d’Orson Welles (le domaine représentant sa famille et ses droits) s’est publiquement opposé au projet, dénonçant un « détournement technologique » de l’œuvre du réalisateur de Citizen Kane. Selon Variety, les ayants droit affirment ne pas avoir été consultés et jugent qu’« aucune IA ne peut restituer le génie créatif de Welles ».
Au-delà des droits, la démarche questionne la frontière entre hommage et profanation, peut-on vraiment redonner vie à un film disparu sans trahir son essence ? Et surtout, à qui appartient la mémoire du cinéma à l’ère de l’intelligence artificielle ?
Pour Edward Saatchi, cette reconstitution marque une étape historique : « L’IA n’est pas la fin de la créativité, mais la fin de la créativité humaine comme monopole », déclarait-il dans Deadline.
Un discours qui séduit autant qu’il effraie, dans un contexte où Hollywood débat encore de la place de l’IA après la grève historique des scénaristes et acteurs. Pour certains, ces projets pourraient sauver des trésors culturels disparus ; pour d’autres, ils risquent d’ouvrir une ère où la mémoire devient manipulable à volonté.
Amazon et Fable ne recréent pas seulement un film, ils rejouent le rapport entre homme, machine et création. Orson Welles, lui-même pionnier de la narration sonore et visuelle, aurait sans doute été fasciné — ou horrifié — de voir son œuvre renaître sous forme de code et de pixels.
Reste à savoir si cette version IA d’Ambersons sera perçue comme une résurrection ou une illusion. Car si l’intelligence artificielle peut faire revivre des images, peut-elle vraiment ressusciter l’âme d’un artiste ?
ÉCRIT PAR : SAHBY MEHALLA
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