Les médias parlent de 80 scientifiques algériens classés par Stanford parmi les plus influents au monde. Oui, l’Algérie est présente, mais le chiffre officiel n’est pas confirmé. On fait le point.
Par @radiosiskofm

L'université de Stanford
Un titre qui fait le buzz
Mi-septembre 2025, plusieurs médias algériens ont annoncé que 80 chercheurs algériens figuraient parmi les 2 % de scientifiques les plus influents au monde selon l’Université Stanford. Une nouvelle accueillie avec fierté, largement partagée sur les réseaux sociaux. Mais qu’en est-il vraiment ?
Le véritable classement de Stanford
Ce que l’on appelle « classement Stanford » est en réalité un jeu de données bibliométriques mis à jour chaque année par John Ioannidis et son équipe à l’Université Stanford, et publié sur la plateforme d’Elsevier. Intitulé “Science-wide author databases of standardized citation indicators”, il recense les chercheurs les plus cités au monde en se basant sur un score composite (c-score) intégrant citations, h-index et co-auteurs.
La version la plus récente (v8) a été publiée le 19 septembre 2025 et couvre deux volets : l’impact sur l’ensemble de la carrière et l’impact sur la seule année 2024. Le dataset complet est accessible sur le site d’Elsevier. La méthodologie a été présentée dans un article scientifique paru dans PLOS Biology : Ioannidis et al., 2020.
Ce que le rapport dit… et ne dit pas
Important : ce dataset liste les chercheurs individuellement, avec leurs institutions et leurs indicateurs, mais il ne publie aucun total par pays. Ni Stanford ni Elsevier n’ont donc déclaré officiellement que « 80 chercheurs algériens » figuraient dans le classement. Ce chiffre provient forcément d’un dépouillement secondaire.
L’Algérie : de 68 à 80 chercheurs ?
En 2024, l’Université de Blida 1 avait communiqué que 68 chercheurs algériens apparaissaient dans le Top 2 %, dont deux issus de son établissement. Mais cette annonce n’était accompagnée d’aucun lien direct vers le dataset officiel.
En septembre 2025, le site Algérie360 a avancé un nouveau chiffre, 80 chercheurs algériens. Là encore, aucun détail n’a été fourni sur la méthode de comptage (affiliations locales uniquement ? chercheurs de la diaspora ? version “career” ou “single-year” du classement ?).
Les plateformes privées
Des sites comme Top2PercentScientists.com publient aussi des listes par pays. Mais ces plateformes ne sont pas affiliées à Stanford ni à Elsevier. Leur fiabilité dépend de leur capacité à reproduire correctement les données officielles — ce qui n’est pas garanti.
Verdict du fact-check
✅ Vrai : des chercheurs algériens apparaissent bien dans le classement Stanford/Elsevier des 2 % les plus cités.
❌ Pas confirmé officiellement : le chiffre « 80 » n’émane pas de Stanford ni d’Elsevier, mais de comptes rendus secondaires.
⚠️ À retenir : l’Algérie est bel et bien présente dans ce classement prestigieux, mais les chiffres doivent être interprétés avec prudence. Pour une confirmation rigoureuse, il faut consulter directement le dataset et filtrer les chercheurs par affiliation en Algérie.
Si la présence de chercheurs algériens dans un classement international est une bonne nouvelle, la manière dont cette information est relayée pose problème. Ni Algérie360 ni l’Université de Blida n’ont fourni de lien direct vers les sources primaires (dataset Elsevier ou article scientifique de référence). Leurs chiffres — 68 hier, 80 aujourd’hui — apparaissent comme des slogans repris sans vérification publique ni transparence sur la méthodologie employée.
Un tel traitement, qui consiste à se contenter d’annoncer des chiffres sans citer ni expliquer les critères de sélection, relève davantage de la communication opportuniste que d’un véritable travail académique ou journalistique. Or, dans un domaine aussi sensible que l’évaluation scientifique, l’absence de rigueur et de traçabilité dessert la crédibilité de ceux qui cherchent justement à valoriser la recherche algérienne.
La fierté nationale ne peut se construire sur des approximations, si l’Algérie veut valoriser ses chercheurs, elle doit le faire avec des données vérifiables, des liens officiels et une méthodologie claire. Sinon, ces annonces finissent par ressembler à des coups médiatiques, qui affaiblissent plus qu’ils ne renforcent la reconnaissance réelle du travail scientifique.
ÉCRIT PAR : RADIO SISKO FM
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