BBC : le documentaire sur Donald Trump qui a précipité la chute du directeur général

Le directeur général de la BBC, Tim Davie, est photographié dans les bureaux du BBC World Service à Londres, le jeudi 28 avril 2022. (Hannah McKay/Pool via AP)

C’est un séisme médiatique outre-Manche, Tim Davie, directeur général de la BBC, a annoncé sa démission le 9 novembre 2025, emporté par une tempête politique et éditoriale liée à un documentaire controversé sur Donald Trump. Ce film, diffusé dans l’émission d’investigation Panorama, est accusé d’avoir manipulé un extrait du discours de président américain, provoquant une crise sans précédent au sein du diffuseur public britannique.

Selon une enquête publiée par The Telegraph et confirmée par l’Associated Press, l’émission aurait combiné deux passages distincts du discours prononcé par Donald Trump le 6 janvier 2021, lors du rassemblement précédant l’assaut du Capitole. Dans la version diffusée par Panorama, les phrases « Nous allons marcher vers le Capitole et je serai là avec vous. » et « Nous nous battons. Nous nous battons comme des damnés. » apparaissaient enchaînées, suggérant une incitation directe à la violence. Or, dans la transcription originale, ces propos sont séparés par plus de cinquante minutes.

Un mémo interne, rédigé par Michael Prescott, ancien conseiller éditorial de la BBC, a révélé ces manipulations présumées. L’affaire a rapidement pris une tournure politique, ravivant les accusations de biais systémique contre la BBC, déjà sous pression depuis plusieurs années sur sa couverture du Brexit, du conflit israélo-palestinien et des questions de société.

Face à la polémique, Tim Davie a présenté sa démission « pour préserver l’intégrité de l’institution ». Deborah Turness, directrice de BBC News, a également quitté ses fonctions. Dans un communiqué, la direction du groupe a reconnu « des erreurs de jugement éditorial », tout en niant toute volonté de manipulation politique.

Le documentaire en question, diffusé quelques semaines avant l’élection présidentielle américaine de 2024, visait à retracer l’évolution du discours de Donald Trump depuis son arrivée de la Maison-Blanche. Mais le montage contesté a suffi à déclencher un tollé dans la presse conservatrice et sur les réseaux sociaux, où des figures républicaines ont dénoncé un « acte de désinformation délibérée ».

Cette affaire dépasse le simple cas d’un documentaire mal monté, elle cristallise la défiance croissante envers les médias publics et relance le débat sur leur neutralité. The Guardian souligne que « la BBC paie ici le prix d’une érosion de confiance, entretenue par une succession d’affaires où la frontière entre journalisme d’enquête et militantisme politique a été jugée floue ».

Le gouvernement britannique n’a pour l’instant pas commenté la démission, mais plusieurs députés conservateurs réclament une réforme en profondeur du financement et de la gouvernance de la BBC. De leur côté, les syndicats de journalistes dénoncent une « chasse aux sorcières » orchestrée par les partisans de Trump et des médias concurrents.

Alors que la BBC s’apprête à nommer un directeur par intérim, le défi est immense, restaurer la crédibilité d’un média souvent considéré comme la référence mondiale du service public. Dans une lettre adressée à ses employés, Tim Davie a conclu : « Je pars avec un profond regret, mais avec la conviction que la BBC doit rester au-dessus des batailles politiques et des manipulations médiatiques. »

ÉCRIT PAR : LA RÉDACTION