Des documents déclassifiés du Royaume-Uni révèlent comment Londres et ses alliés occidentaux ont perçu l’élection de Liamine Zeroual en 1995, à l’heure des premières présidentielles pluralistes de l’histoire algérienne.
Par @lemanifestmedia
L’ancien président algérien Liamine Zeroual déposant son bulletin de vote lors des élections législatives de 1997. Photo: Archives Algérie
Presque trente ans après les faits, des archives britanniques déclassifiées jettent une lumière crue sur les perceptions occidentales de l’élection présidentielle de 1995 en Algérie. À l’époque, Liamine Zeroual accédait au pouvoir au terme d’un scrutin présenté comme le premier véritable test démocratique du pays, en pleine guerre civile. Ces documents, aujourd’hui accessibles aux Archives nationales du Royaume-Uni, révèlent un mélange d’inquiétude, de prudence diplomatique et d’attentes stratégiques de la part du gouvernement britannique et de ses partenaires.
Dans un rapport transmis par l’ambassade britannique à Alger, l’élection est décrite comme une « victoire écrasante » pour Zeroual, crédité de 60 % des voix avec un taux de participation avoisinant les 75 %, malgré l’appel au boycott de plusieurs partis d’opposition. Les diplomates saluent une organisation « intègre et transparente », tout en exprimant des doutes sur la portée réelle de cette avancée. Car dans les coulisses, les autorités britanniques analysent surtout cette élection comme une tentative du pouvoir algérien – dominé par l’armée – de regagner une légitimité politique sans céder le contrôle effectif des leviers de décision.
La France, elle aussi évoquée dans les échanges diplomatiques, est décrite comme « réticente à féliciter publiquement Zeroual », craignant de compromettre ses positions régionales en cas de retournement de situation. Ce silence diplomatique alimente alors les spéculations sur les divisions internes entre les alliés occidentaux, confrontés à un dilemme, soutenir une stabilité fragile au prix d’un renoncement démocratique, ou risquer de s’aliéner le pouvoir en place.
Ces archives révèlent également l’importance accordée par Londres à l’opinion publique algérienne, aux effets du terrorisme, et aux aspirations populaires étouffées. Si les diplomates reconnaissent des progrès symboliques dans le processus électoral, ils soulignent que « la mainmise des militaires reste forte » et que les institutions demeurent marquées par une logique de survie du régime.
À la lumière de ces révélations, l’élection de Zeroual apparaît moins comme une étape vers la démocratie que comme une opération politique visant à restaurer une forme d’ordre, sous couvert d’ouverture politique. Un équilibre précaire que l’Occident a choisi de cautionner, sans pour autant s’y investir pleinement.
Ces documents historiques, illustrent combien les logiques de Realpolitik ont façonné la diplomatie euro-atlantique en Algérie dans les années 1990.
Et posent, aujourd’hui encore, une question brûlante, peut-on vraiment parler de pluralisme politique lorsqu’un régime contrôle toutes les cartes, et que ses alliés ferment les yeux au nom de la stabilité ?
ÉCRIT PAR : LA RÉDACTION
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