Douze jours après sa libération, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal exprime son désir profond de retourner en Algérie. Un projet à la fois intime et politique, qui soulève de vives interrogations sur sa faisabilité réelle.
Par @lemanifestmedia
Photo: Thibaud MORITZ / AFP
Dans un entretien exclusif accordé à France Inter, France 2 et Le Figaro, Boualem Sansal n’a pas mâché ses mots : « Je dois retourner en Algérie. » L’écrivain de 75 ans, connu pour ses prises de position critiques à l’égard du gouvernement algérien, semble déterminé à regagner son pays natal, malgré les risques encore bien présents. Sa déclaration intervient à peine deux semaines après sa libération en France, où il avait été accueilli pour des soins après son arrestation à Alger en novembre 2024.
Condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » par la justice algérien, Boualem Sansal fait aujourd’hui l’objet d’un mandat d’arrêt toujours actif, selon plusieurs sources diplomatiques.
Selon le récit de Sansal lui-même, Emmanuel Macron aurait réagi à ce projet avec bienveillance, mais aussi une mise en garde claire : « Faites attention. » Ce conseil, glissé lors d’un échange privé, en dit long sur la tension diplomatique qui entoure toujours le dossier.
L’Élysée, s’il se garde pour l’instant de tout commentaire officiel, reste préoccupé par l’évolution de la situation. Le président français avait exprimé publiquement son inquiétude sur l’état de santé de Sansal lors de sa détention, et n’entend manifestement pas le laisser repartir dans un climat aussi instable sans garantie.
Le cas Boualem Sansal cristallise plusieurs fractures, celle entre liberté d’expression et autoritarisme, celle entre attachement personnel à une terre natale et réalité d’un exil forcé, mais aussi celle, plus politique, des relations franco-algériennes toujours marquées par une méfiance réciproque.
Pour le romancier, revenir en Algérie ne serait pas seulement un retour physique, mais un acte de fidélité à son peuple, à sa langue, à ses souvenirs. « Je ne suis pas un homme de fuite », a-t-il déclaré. Et pourtant, le retour semble improbable tant que le climat juridique et sécuritaire n’évolue pas de manière favorable.
Ce dossier pourrait aussi devenir un test grandeur nature pour la liberté intellectuelle en Algérie. Boualem Sansal, auteur de Le Serment des barbares et 2084, est traduit dans une quinzaine de langues et régulièrement cité parmi les intellectuels majeurs du Maghreb. Son éventuel retour et l’accueil qu’il recevrait pourraient envoyer un signal fort – en bien ou en mal – au reste du monde.
Côté français, la gestion de ce cas pourrait illustrer la capacité – ou non – de la diplomatie tricolore à protéger ses binationaux dans des situations délicates. Depuis plusieurs mois, les tensions entre Paris et Alger s’enchaînent sur fond de mémoire coloniale, de visas et de coopération sécuritaire.
Boualem Sansal veut rentrer. Emmanuel Macron appelle à la prudence. Alger, elle, reste silencieuse. Entre ces trois pôles, c’est une partie d’échecs qui se joue, où l’auteur franco-algérien devient malgré lui une pièce diplomatique.
Le retour en Algérie de Boualem Sansal, s’il a lieu, ne sera pas un simple voyage. Ce sera un acte politique, un message au monde, et peut-être le début d’un nouveau chapitre pour la liberté de penser dans le monde arabe.
ÉCRIT PAR : LA RÉDACTION
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